L'orthographe
des noms de famille
Nés
du langage parlé, les noms patronymiques, lorsqu'ils furent appelés à
être écrits par des prêtres ou des collecteurs d'impôts, ne pouvaient
généralement pas être épelés par nos ancêtres le plus souvent analphabètes.
Cela
provoqua différentes graphies (en principe phonétiques
et en tous les cas diverses au point de pouvoir évoluer) pour désigner
une seule et même personne, au sein d'un seul et même acte. En effet,
sous l'ancien régime, nul n'attachait vraiment d'importance à l'orthographe
d'un nom.
Il
fallut attendre l'extrême fin du XIXème siècle (après
la généralisation des livrets de famille qui furent l'une des conséquences
des incendies de l'état civil parisien en 1871) pour que se fixe l'orthographe
de ces noms patronymiques. Rappelons que le christianisme avait, en Gaule
et ailleurs, détruit les noms de famille et les " genticiles " romains
(ces derniers ayant eux-mêmes hérité de noms gaulois).
A
l'époque des Francs puis au début de celle des Capétiens,
les noms de famille n'existaient plus. Seuls demeuraient des noms de baptême,
noms individuels changeant presque toujours d'une génération à l'autre
et qui peu à peu se sont accompagnés d'un surnom. C'est seulement à partir
du XIIème siècle que le nom de baptême (souvent sous une forme altérée),
le nom de métier ou le surnom (nom de la terre, nom relatif à une particularité
de la maison, sobriquet,…) tendent à devenir héréditaires.
Ainsi
se sont formés nos noms de famille. Stabilisés vers le XVème siècle, ils
se sont figés avec l'organisation des registres d'état civil que François
Ier rendit obligatoire par l'ordonnance de Villers-Cotterets en
1539.
L'état
civil en Savoie
La
tenue et la conservation des anciens registres de catholicité ont
obéi en Savoie à des règles particulières
dues à l'histoire propre d'une province qui, à l'exception
de courtes périodes, ne releva pas avant 1860 de la législation
française. En outre le Duché de Savoie dépendait
de 5 diocèses différents : Grenoble puis Chambéry,
Maurienne, Tarentaise, Belley, Genève - Annecy. Ainsi le clergé
était-il soumis à des prescriptions épiscopales qui
pouvaient connaître des variantes.
Quelques
précisions sur l'histoire de l'état civil sont donc indispensables
à celui qui, à travers l'histoire démographique de
cette région, cherche à retracer celle de sa famille.
Les
dispositions de l'ordonnance de Villers-Cotterets, par
laquelle François 1er prescrivit aux curés en 1839 la tenue
de registres de baptême, étaient en principe applicables
en Savoie alors occupée par l'administration française.
Emmanuel
Philibert restauré dans ses états créa le Sénat
dont le " stil et règlement " daté du
3 avril 1560 ordonna dans ses articles 380 à 383 la tenue
dans toutes les paroisses de registres des baptêmes et des sépultures.
Les curés devaient chaque année signer ces registres et
les envoyer le 31 décembre au juge ducal de la province.
Les
" nicovi ordini " du 29 mai 1561 réitérèrent
la prescription faite aux curés. Il était en outre demandé
aux pères de famille de déclarer dans les trois jours au
greffe de la juridiction de la province, les baptêmes et décès
survenus dans leur maison. Les curés devaient envoyer tous les
mois la liste des actes qu'ils avaient enregistrés, ce qui permettait
de vérifier les déclarations des pères de famille.
L'ordonnance
de Villers-Cotterets et les règlements de 1560 et 1561, qui étaient
d'une exécution assez contraignante, paraissent avoir été
peu suivis. Les registres paroissiaux qui subsistent sont rares. C'est
en fait des premières années du XVIIème siècle
que datent les plus anciens registres des paroisses et les doubles adressés
aux chancelleries épiscopales. Ces dernières réussirent
d'ailleurs mieux que les judicatures à recevoir plus régulièrement
des curés des registres conformes.
Pour
que les judicatures mages soient en possession des doubles des registres
de catholicité, il fallut attendre le "règlement
particulier pour le ressort du Sénat" de Savoie promulgué
le 13 août 1773. Ce texte donna ordre à tous les curés
de tenir dans chaque paroisse des registres de baptêmes, mariages
et sépulture, sous peine de 50 livres d'amende et de la réduction
du temporel des ecclésiastiques négligents. Les peines encourues
eurent un effet certain et la série des doubles commence à
partir de 1773.
La
loi française du 20 septembre 1792 qui prescrivait la
tenue par les municipalités des registres des naissances, mariages
et sépultures (et enlevait par conséquence aux curés
des paroisses les fonctions d'officier d'état civil) fut appliquée
en Savoie; cette dernière ayant été occupée
quelques jours plus tard par une armée de la République
Française. Ainsi les anciens registres de catholicité furent
transférés dans les mairies. Mais le bouleversement des
habitudes, la négligence ou l'incompétence des responsables
des registres, l'état trouble de la Savoie, ne permirent pas l'enregistrement
régulier des actes.
Pendant
la Révolution le clergé, malgré la clandestinité
d'un bon nombre de ses membres, continua à enregistrer des actes
de catholicité. Lors de la restauration du pouvoir sarde (1814
- 1815) fut remise en vigueur la législation antérieure
à la période française. Aussi de 1816 à 1860
les actes furent à nouveau rédigés par les curés
redevenus officiers d'état civil et conservés dans les presbytères.
Le
rattachement en 1860 de la Savoie à la France (ou l'inverse
pour les savoyards chauvins !
) introduisit à nouveau la législation
française dans l'ancien Duché.
A
la suite des prescriptions en 1972 de Monseigneur Bontemps,
archevêque de Chambéry, les registres de catholicité
conservés dans les paroisses de ce diocèse ont été
en grande partie déposés aux archives départementales
(sous séries H et 5E) où ils sont d'autant plus utiles que
les doubles de la chancellerie de ce diocèse sont généralement
tardifs.
Les
paroisses dont les registres de catholicité datent de 1804 sont
celles de l'ancien décanat de Savoie, ancienne dépendance
du diocèse de Grenoble en 1775 et érigé en évêché
de Chambéry en 1779 puis en archevêché en 1817.
Les
irrégularités dans la tenue des registres d'état
civil rendent difficiles les investigations antérieures à
1780. A défaut d'actes d'état civil antérieurs à
1780, plusieurs éléments de la généalogie
des LAVERNAZ de
la branche originaire de Saint-Béron (73520) ont
été découverts grâce au
recensement de 1561,
au
tabeillon et
au cadastre, documents propres aux archives
de Savoie.
Le
recensement de 1561
En
avril 1559 le Duc de Savoie Emmanuel Philibert, recouvrant ses
terres à la suite du traité de Cateau-Cambrésis entre
la France et l'Espagne, entend doter la Savoie de finances bien organisées.
Il fait voter par l'assemblée des Trois Etats (dont ce sera la
dernière cession) le monopole de la Gabelle du Sel, impôt
indirect destiné à remplacer toutes aides, tailles et autres
subsides habituels. Le tarif du sel est alors fixé à 10
florins le sac d'environ 115 litres dont 4 florins pour la valeur marchande
(déjà très élevée) et 6 pour l'impôt.
Aucune
consommation minimale par foyer n'étant toutefois fixée,
ce prix prohibitif du sel suscite aussitôt la fraude et la contrebande
et le recouvrement de l'impôt se fait mal. L'édit
du 19 août 1561 oblige alors chaque foyer à ne s'approvisionner
qu'aux greniers ducaux. Il impose la quantité de sel que chaque
individu doit consommer : 93 onces (mesure de Turin) par trimestre soit
11,4 kg par an.
Dès
lors, établir l'assiette de l'impôt sur le sel suppose de
dresser un dénombrement de tous les " prenant sel ".
Les rôles de la Gabelle du Sel établis en 1561,
et en particulier pour ceux de La-Bridoire et de Saint -Béron,
sont aujourd'hui conservés aux archives de la Savoie. Pour celui
qui effectue des recherches, ce recensement (probablement l'un des premiers
en Europe) constitue une mine très importante d'informations puisque
l'on y trouve pour chaque famille ou " feu " ...
...Le
nom et le prénom de son chef, le prénom de sa femme (rarement
le nom), les prénoms des enfants de plus de 5 ans et de leurs enfants
éventuels, les noms et prénoms des gendres, des brus, des
personnes à charge ou des serviteurs vivant avec la famille. Parfois,
dans les villes et les bourgs, les professions non agricoles sont indiquées.
On y distingue également les exempts " pauvres et misérables
". Les absents sont souvent mentionnés ainsi que les orphelins
recueillis et nourris " pour l'honneur de Dieu " et les enfants
" donnés " (c'est à dire nés hors du mariage
mais élevés dans la famille du père)...
...Le
nombre de têtes de bétail " prenant sel " : bovins,
ovins, caprins, chevaux
Les bêtes " à commande
" ou " estranges " (c'est à dire placées
en subsistance par leur propriétaire), les bêtes mises en
" hiverne " pour la montagne sont distinguées.
Le
tabeillon en SAVOIE
Le
terme de Tabeillon désignait en Savoie, non seulement l'officier
public chargé de mettre en grosse les minutes des notaires mais,
au delà, l'ensemble des actes insinués et conservés
dans les bureaux d'insinuation. Par extension, il servait à nommer
l'administration chargée de la transcription des actes.Le Tabeillon
savoyard se différenciait de l'enregistrement pratiqué en
France par le fait qu'il ne se limitait pas à une brève
analyse des actes notariés, mais qu'il enregistrait le texte intégral.
Une
première tentative de créer le Tabeillon en Savoie est due
à des édits de 1610 et 1620, mais bientôt
ces édits furent révoqués et la Savoie obtint dès
1626 d'être " redimée des droits d'insinuation ".
La véritable création du Tabeillon date des édits
du 28 octobre 1696 et du 4 septembre 1697 promulgués par
Victor Amédée.
Dès
le 22 décembre 1696 la Chambre des Comptes enregistra l'édit
et partagea le Duché en 7 départements du Tabeillon (un
par province soit : Savoie, Genevois, Fauciny, Chablais, baillage du Vernier
et Gaillard, Maurienne, Tarentaise.
Dans
chacun de ces départements ou province se trouvaient des
bureaux du Tabeillon (13 pour la Savoie). Le ressort de chaque
bureau était confié à un insinuateur, responsable
de l'enregistrement des actes des communes de son secteur et de la conservation
des archives du Tabeillon. Dans chaque chef-lieu de province se trouvait
un conservateur du Tabeillon dont les fonctions et devoirs furent déterminés
par des instructions du 29 août 1697. Il incombait à ce fonctionnaire
d'inspecter les bureaux d'insinuation et les études des notaires
de la province.
Les
notaires disposait d'un délai de 3 mois maximum (réduit
à 50 jours en 1770), à partir de la date de l'acte, pour
faire procéder à son insinuation. Aussi apportaient-ils
en général tout un lot d'actes qui étaient enregistrés
à la suite les uns des autres sans ordre chronologique.
Les
Royales Constitutions de 1729 fixèrent l'interdiction
de laisser sortir les registres du Tabeillon. Même les magistrats
qui avaient à connaître d'un acte devaient se déplacer.
Elles réitérèrent l'ordre de tenir des répertoires
portant de brèves notations des actes insinués afin de faciliter
leur recherche.
L'institution
du Tabeillon, qui garantissait la conservation des contrats et renforçait
leur authenticité et leur publicité, rendit de grands services
jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Elle fut remplacée
à partir du 21 décembre 1793 par la Régie
de l'Enregistrement.
Le
Tabeillon fut rétabli le 27 juillet 1814 par la Restauration
Sarde et fonctionna jusqu'en 1860. Répartis en 1860 entre les greffes
des tribunaux civils, les registres de l'insinuation seront versés
aux Archives Départementales de Savoie entre 1914 et 1924.
Les
actes soumis à l'insinuation étaient extrêmement nombreux
: testaments non solennels, codicilles, donations à cause de mort,
constitutions et restitutions de dots, échanges, divisions, cessions
de biens immobiliers, accords, transactions, créances, pensions,
quittances, procurations, contrats de mariage, tutelles, curatelles, inventaires,
nominations d'exacteurs ou de registiers,
Les
communes de Saint-Béron et de La-Bridoire (où ont
résidés de nombreux descendants de Josay
LAVERNA (né vers 1583)
dépendaient du Tabeillon des Echelles.
Le
cadastre de la SAVOIE
Le
cadastre général de la Savoie fut exécuté
sur l'ensemble de la province entre 1728 et 1738 sous
l'autorité de l'intendant général à la suite
de lettres patentes du 9 avril 1728 qui prescrivaient cette opération
en vue de parvenir à une plus juste répartition de la taille.
Les
plans ou mappes furent réalisés par des géomètres
transalpins qui avaient déjà exécuté le cadastre
du Piemont. Pour chaque commune deux mappes originales furent dessinées,
l'une destinée à être conservée aux archives
du château, l'autre étant gardée par la commune concernée.
Au
XVIIIème siècle des copies en couleur des mappes
originales furent exécutées pour les Archives Royales de
Turin. Ces copies firent partie des documents transférés
de Turin à Chambéry en 1802 et sont restées depuis
cette date aux Archives Départementales de Savoie. Leur sont annexés
un registre des mutations, un livre journalier et un livre des transports.
Ces
documents constituent des travaux remarquables pour l'époque.
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